Le 15 mars dernier, Marie-Douce Albert, bénévole de La Chance et membre du bureau, est intervenue devant des élèves de Seine-Saint-Denis pour évoquer son métier de journaliste. Récit. 

« Avez-vous déjà menti ? » La question n’est pas compliquée, la réponse me paraît évidente – « Dans mes articles, jamais. Sinon je ne ferai pas ce métier ». Mais je ne m’y attendais pas. Cette simple phrase résume pourtant bien cette rencontre avec des élèves de seconde du lycée Maurice-Utrillo, à Stains, en Seine-Saint-Denis. Ce jour de mars, la trentaine d’élèves réunis au CDI – un tiers de filles, deux-tiers de garçons – balancent entre fascination et grande méfiance envers la profession de journaliste. A mon arrivée, Delphine, la documentaliste, avait prévenu : elle n’a censuré aucune des questions des élèves et certaines seront abruptes.

J’ai évidemment droit aux grands classiques – « Avez-vous toujours voulu faire ce métier ? », « quel est votre salaire ? » – ou quelques fantasmes du style : « c’est comme d’être reporter de guerre ?» Rédactrice dans la presse professionnelle, me voilà bien en peine de répondre à cela.

Et soudain, la question fuse : « pensez-vous que les dessinateurs de Charlie-Hebdo sont réellement morts ? » La théorie du complot a fait son œuvre. Des élèves disent ne porter aucun crédit à ce que disent les journalistes et s’agacent surtout de ce qu’ils ne disent pas. Il faut expliquer la difficulté de rapporter de tels événements à chaud, quand les informations sont rares, les rumeurs nombreuses.  Les lycéens sont attentifs, le débat se noue.

Enfin, un garçon lance : «  pourquoi les médias ne parlent pas plus de nous et de notre situation difficile ? » Leur lycée, qui accueille 1 300 élèves, est situé au carrefour d’un reliquat de terres agricoles, de zones en phase d’urbanisation accélérée et de quartiers sensibles et, souvent, des bagarres entre bandes ont lieu sur le parvis. A la suite d’un de ces affrontements, notre intervention du jour a d’ailleurs failli être annulée. Alors dire à ces élèves que leur établissement n’est pas le seul dans ce cas est un peu cruel. Ils voudraient qu’on ne les oublie pas.

M.D. Albert