La Chance n’a jamais accompagné autant d’étudiants, et elle ne l’a jamais fait aussi bien. Mais il reste beaucoup à faire.

En découvrant les salles des grandes rédactions parisiennes, il y a dix ans, une bande d’étudiants fraîchement sortis d’une école de journalisme comprend soudain que les médias, en France, ont un sérieux problème de légitimité. La question est simple : comment un journal, un site web ou une chaîne de télévision peuvent-ils prétendre refléter un pays aussi divers que le nôtre, si une large majorité de journalistes semble sortie du même moule ? Ainsi est née La Chance aux concours, premier programme d’égalité des chances dans le secteur des médias.
En 2007, une poignée de bénévoles épaulait 11 étudiantes. Aujourd’hui, chaque année durant huit mois, 300 journalistes professionnels accompagnent plus de 80 boursiers dans cinq villes de France. Ils le font de
manière bénévole, avec une passion et un sérieux qui m’émeuvent tous les jours. Mais ce n’est pas tout. Désormais, chaque étudiant de La Chance bénéficie d’une aide financière. La récente ouverture d’un pôle à Marseille, deuxième ville de France, a permis de réaliser un vieux rêve. Notre nouveau site web, notre nouvelle charte graphique qui respire la bonne humeur et notre nouveau logo, plus souriant que jamais, reflètent la bonne santé d’une maison qui a doublé son budget en moins de trois ans. Je suis un président heureux. Mais il reste encore beaucoup à faire… A la rentrée 2018, un sixième pôle ouvrira ses portes, afin de répondre à la demande dans l’Ouest de la France. Nous devons accroître notre visibilité, afin de mieux atteindre notre public, éloigné des médias. Développer Les Ateliers de La Chance, aussi, qui contribuent à l’insertion professionnelle de nos anciens. Et intervenir davantage dans les lycées et collèges, afin de participer à l’éducation aux médias.
Car la question de départ est toujours la même. Pourquoi si peu de reporters ont-ils grandi à l’écart des grandes villes, ou même dans leurs périphéries ? Où sont les enfants et les petits-enfants du Maghreb et d’Afrique noire ? Quelle crédibilité avons-nous pour évoquer le sort des handicapés si les personnes à mobilité réduite, les aveugles et les sourds sont absents des médias ?
A la différence des réseaux sociaux, où des « amis » se retrouvent entre eux et partagent souvent la même vision du monde, les médias d’information dignes de ce nom sortent le citoyen de sa zone de confort. Ils lui donnent les moyens d’appréhender la diversité de la société française – qui est une richesse, bien sûr. Pour faire cela, les journalistes doivent ressembler davantage au pays lui-même. Pour notre profession, c’est une question de légitimité. Au boulot !

Marc Epstein