Sur Rue 89

Faut-il 30% de boursiers dans les grandes écoles ? Non, répond la Conférence des grandes écoles (CGE), car les quotas pourraient impliquer une baisse du niveau des diplômés. Un argument qui n’a rien d’évident et qui revient sur la table à chaque fois qu’il est question de quotas.

La vraie question est celle de l’égalité des chances face aux concours. Les épreuves favorisent les candidats issus de milieux aisés, à la fois parce qu’ils connaissent les codes culturels utilisés dans les concours et également parce qu’ils peuvent se préparer de manière spécifique en suivant des préparations souvent très chères. Le jeu est donc biaisé dès le départ.

Donner une chance aux concours

C’est ce constat qu’ont fait, il y a quatre ans maintenant, les initiateurs de la Chance aux concours, préparation bénévole aux concours des écoles de journalisme pour les étudiants boursiers. La diversité sociale est faible au sein des écoles de journalisme.

La plupart des étudiants qui réussissent les concours ont étudié dans un Institut d’études politiques (IEP) ou ont effectué une préparation privée (entre 900 euros et 3000 euros). Parfois même les deux. Difficile, quand on n’a fait ni un IEP, ni une préparation privée d’intégrer une école de journalisme.

Les étudiants boursiers n’ont pas les moyens de payer d’onéreuses préparations privées alors que bon nombre d’entre eux travaillent pour payer leurs études à l’université. Souvent, ils ont un déficit en culture générale et en anglais, deux éléments essentiels pour intégrer une école. Un certain nombre de ces étudiants manquent de confiance en eux car ils n’ont jamais été sur « la voie royale de la réussite ».

Quinze étudiants suivis sur cinq mois

La Chance aux concours tente, chaque année, de palier ces inégalités de départ en offrant à une quinzaine d’étudiants boursiers une préparation de 5 mois aux concours des écoles de journalisme. Le point commun de tous ces étudiants est une motivation profonde pour le métier de journaliste et une réelle envie d’y arriver.

L’accent est mis sur la culture générale, des cours d’anglais ont lieu toutes les semaines, le contact hebdomadaire avec des journalistes permet à des étudiants qui souvent n’en ont pas de se faire un réseau dans la profession. Plus facile, après, de trouver un stage, un facteur qui peut aider fortement à intégrer une école. Des tuteurs suivent des groupes de trois étudiants, ils les motivent au quotidien, les encouragent quand ils lèvent le pied, les aident à prendre confiance en eux.

50% de réussite aux concours

Et ça marche. Sur les 41 étudiants ayant effectué la préparation de la Chance aux concours, près de 50% ont intégré une école de journalisme reconnue par la profession. Ils ne réussissent pas tous les concours du premier coup, mais ceux qui essayent une deuxième fois le font en général avec réussite. Et la majorité de ceux qui n’ont pas intégré d’école continue sur la voie du journalisme, intégrant des formations en alternance ou multipliant les stages.

Cette année, les premiers étudiants diplômés d’une école sont arrivés sur le marché du travail et ont intégré les rédactions d’Europe 1, du Figaro.fr ou pigent pour France Inter ou le Magazine littéraire. Ces étudiants ont seulement besoin qu’on leur offre la même chance que les autres. Quand on leur donne, ils la saisissent avec appétit.

Il faudrait sans doute aller plus loin. Les concours en eux-mêmes sont porteurs de discriminations puisqu’ils favorisent les gens ayant un large accès à la culture, aux voyages, à la pratique des langues. Les écoles de journalisme recrutent en théorie à bac+2 mais dans les faits à bac+3 ou bac+4. La Chance aux concours s’aligne sur les critères des écoles, les étudiants qui intègrent le dispositif ont donc déjà franchi un certain nombre d’obstacles.

La profession de journaliste a besoin de gens débrouillards et dynamiques issus de toutes les catégories de la population française. Au-delà de l’intégration des boursiers qui se sont frayés un chemin dans l’enseignement supérieur se pose, en amont, la question d’un travail de fond dès le lycée. Plusieurs grandes écoles ont mis en place, ces dernières années, des dispositifs de soutien aux lycéens, mais est-ce à des structures privées de faire ce travail ?

David Allais